D’abord apparu en physique, le terme de «résilience» a été popularisé par Boris Cyrulnik en psychologie pour désigner la capacité des personnes à se reconstruire et à s’épanouir après un traumatisme.
Beaucoup de souffrances psychiques et émotionnelles trouvent leurs sources dans des traumatismes, mais toute expérience traumatisante ne se traduit pas par un mal-être destructeur.
Par analogie, la résilience de l’entreprise se définit comme sa capacité à résister aux chocs et à continuer son activité.
Les risques encourus peuvent être politiques, économiques, climatiques, technologiques ou sociaux. La théorie prétend qu’il n’y aurait pas de résilience de l’organisation sans résilience des collectifs
de travail, et pas de résilience des collectifs sans résilience individuelle de chacun de ses membres.
Devenu l’alpha et l’oméga des théoriciens du changement, la résilience des salariés est une «compétence» prisée par les directeurs des ressources humaines (DRH). Au Royaume-Uni, 91 % des DRH interrogés estiment que les employés de demain seront recrutés, avant tout, sur leur capacité à survivre dans l’incertitude.
Or, on pourrait, à l’inverse, considérer que la capacité de résilience d’une entreprise, c’est justement sa capacité à ne pas mettre à l’épreuve la résilience individuelle de ses salariés.
Plus largement, les chercheurs identifient l’inspiration et le désir (notamment celui de bien faire) comme les véritables moteurs de l’action, bien plus que le stress.
Changer l’organisation par petits pas, à la mesure des capacités de chacun, est en outre un antidote à l’impuissance d’agir des travailleurs, bien plus que les« ruptures».
Un environnement construit sur la bienveillance et des interactions positives est indispensable. De quoi s’interroger au regard de la réalité de la vie professionnelle: non-reconnaissance du travail, parfois de la souffrance, peu d’espaces d’intervention …
Drôle de destin pour ce mot « résilience ».
Afin de justifier les effets de la financiarisation du travail et de la concurrence de tous contre tous, les entreprises présentent comme des qualités la résistance au stress et la capacité d’agir dans les situations de rupture, en «oubliant» que le premier des neuf principes de prévention est d’ «éviter les risques», ce qui relève pourtant de leur responsabilité.
Et de rêver d’une entreprise idéale, dans laquelle on apprendrait aux salariés à résister aux chocs électriques ou à tomber d’un échafaudage de dix mètres en roulé-boulé.
Foin des principes de prévention et vive la résilience, on est des hommes, des vrais, que diable !
Illustration : Babouse NVO (septembre 2017)