L’idée des « bonnes pratiques » est séduisante car elle laisse entendre que ce sont les groupes d’acteurs eux-mêmes qui construisent les (meilleures) solutions aux problèmes qu’ils rencontrent, puis les partagent largement.
Cela ne s’accorde-t-il pas à notre conception d’un syndicalisme qui s’attache à construire sa démarche à partir des situations concrètes du travail, afin de le transformer ?
Comment écarter une proposition qui tendrait vers le bon ? Et qui aurait le désir de prôner des mauvaises pratiques ?
Le bémol, c’est qu’une pratique n’est bonne ou mauvaise qu’en fonction de critères.
Et ces critères sont eux-mêmes fixés en fonction des objectifs que l’on assigne à cette pratique. Ce qui sera bon pour les uns sera peut-être mauvais pour les autres.
Bien gentille, l’expression « bonnes pratiques » nous fait donc croire que certaines décisions sont naturellement bonnes.
Les bonnes pratiques sont, de fait, liées au bon vouloir du patron.
Alors, ne laissons pas les décideurs les utiliser en s’abstenant d’expliciter leurs objectifs et leurs critères, contraignons-les à la clarté sur le pour qui et le pour quoi de ces bonnes pratiques.
Notons que les «bonnes pratiques» de l’entreprise font partie d’une approche plus générale, celle du « soft Law » (le «droit mou», sans obligation d’application), qui cherche à se substituer aux règles législatives. Ces dernières sont en effet perçues par les libéraux comme des contraintes insupportables.
Et on peut ainsi arriver à une situation où dans un catalogue de bonnes pratiques cohabitent quelques actions innovantes et d’autres qui relèvent du droit.
C’est un peu comme si, dans un guide des bonnes pratiques du conducteur automobile, nous mettions sur le même plan le fait de faire un usage modéré de son avertisseur sonore et le respect des feux rouges. « Je sais, Monsieur l’agent, je viens de griller un feu rouge, mais je progresse dans la mise en œuvre du guide des bonnes pratiques du conducteur. Déjà, je n’emprunte plus les sens interdits et je n’écrase plus les piétons sur les passages protégés. » Il n’est pas certain que l’argument convainque.
Restons vigilants lorsque les bonnes pratiques empiètent sur le droit du travail.
Distinguons clairement ce qui relève du respect de la loi s’imposant à tou·tes de ce qui relève de pratiques novatrices.
Mais ne rejetons pas l’usage des «bonnes pratiques», car la démarche porte en elle une idée d’expérimentation et d’intervention sur le réel qui mérite qu’on s’en saisisse.
Illustration : Babouse NVO (janvier 2018)