Régime Additionnel de Retraite des maîtres du privé « Chronique d’une mort annoncée »

Régime Additionnel de Retraite des maîtres du privé « Chronique d’une mort annoncée » en version imprimable

– Le point de la vue de la CGT sur le rapport d’évaluation du RAR, octobre 2020  –

I] Le contexte

Les enseignants du privé, bien qu’ils soient agents de droit public, bénéficient d’un système de retraites de droit privé : retraite de base de la Sécurité Sociale et régimes des retraites complémentaire ARRCO et cadre AGIRC (remplacés en 2017 par le système complémentaire nettement moins avantageux des contractuels publics dit de l’IRCANTEC). De leur côté, les enseignants fonctionnaires du public relèvent du régime des pensions civiles.

En 2005, la loi Censi avait pour prétexte de réaffirmer le statut de droit public des maîtres du privé.  L’histoire a prouvé – si nécessaire – qu’il s’agissait bien d’un choix politique clair de soutien à l’enseignement privé sous contrat (essentiellement catholique) défendu alors par trois fortes organisations syndicales de maîtres (CFDT, CFTC, SPELC) très proches des préoccupations patronales de l’enseignement privé. Dans l’illusion presque parfaite que le gouvernement de l’époque satisfaisait tout le monde, la CGT a dénoncé de suite ces manœuvres.

Cette loi  a basculé le risque santé et surtout la prévoyance des enseignants du privé vers des dispositifs du type Régime Spécial des Fonctionnaires. Le nouveau système de prévoyance a été étendu et permis d’exonérer en partie l’école privée avec un amortisseur social conventionnel nettement moins coûteux et qui plus est assorti d’une contribution nouvelle pour les maîtres (le 0,2%).

La loi Censi a permis l’obtention pour les maîtres, en compensation notamment  de la perte de l’Indemnité de Départ à la Retraite alors à la charge du patronat de l’enseignement privé, d’une retraite additionnelle à la charge de l’État et des maîtres  – le Régime Additionnel de Retraite des Enseignants du Privé ou RAEP – permettant l’égalisation des situations entre privé et public prévue par la Loi depuis 1977.

Nous avions par ailleurs démontré  qu’elle n’égalisait pas les retraites public/privé mais qu’elle réduisait approximativement de moitié le différentiel de l’ordre de 20 % à cotisations égales qu’elle devait annuler !

II] Rappel des faits

Un comité de participation à la gestion est établi, il étudie chaque année un rapport relatif à l’équilibre financier du régime, rapport établi de façon soi-disant « indépendante ».

La mise en place  du RAR en 2006 est de suite contrariée par

  • La mise en place d’un taux de pension échelonné de 5 à 10% (à échéance de 2030) et bien loin des 20% permettant l’égalisation des retraites privé – public ;
  • La mise en place d’un appel de cotisation à un rapport 50/50 soit un déport du curseur de rapport de charge au détriment du salarié car les autres cotisations de retraite ont un rapport Employeur/Salarié de 60/40 ;
  • La mise en place quasi concomitante de la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique annulant de facto une partie de la compensation !

En 2010, même si cela n’est pas en rapport direct avec le RAR, les dispositifs de retraite des enseignants de privé sont amputés du bénéfice du RETREP et du départ anticipé, nouvelles économies !

En 2012, la Cour des Comptes – interpellée pour le rapport de gestion –  a appelé l’attention des ministres concernés sur la situation financière préoccupante de ce régime avantageux. Les décisions du gouvernement Hollande sont immédiates :

  • Les 10 % promis sont passés aux oubliettes, contentez-vous de 8 ;
  • Les services avant 2005 se voient appliquer un taux de pension minimaliste de 2% ;
  • Les taux de cotisations passent progressivement de 1,5% à 2% en 2017.

En 2019, le rapport annuel (voir sources) est confié aux techniciens de Ernst & Young et est de nouveau sans appel : le régime additionnel de retraite est déséquilibré, le fonds de réserve sera vide en 2025, un taux de cotisation d’équilibre serait à minima de 3%.

Vous déduirez facilement – dans un contexte de remise en cause drastique des retraites – les désengagements qui vont suivre et les indignations proportionnées et mesurées de certaines centrales syndicales.

III] Notre analyse

Elle pourrait tenir en un mot HONTE !

D’une part, le rapport proposé est spécieux et d’autre part il occulte complétement le contexte économique et politique qui a préfiguré à la mise en place de ce RAR.

Attention, le travail réalisé par le cabinet privé « Ernst & Young Advisor » est de qualité et ne fait que répondre à une commande publique. Il faut questionner ici les donneurs d’ordre, gestionnaires de notre argent public.

1. Ce que ne dit pas ce rapport

Le RAR des enseignants du privé a été calibré sur 142 000 cotisants en 2005 et il en compte désormais 127 000 – du fait des politiques successives de tous les gouvernements de sabrage du service public d’éducation. Sur les bases actuelles c’est de l’ordre de 10 000 000 € de cotisations en moins chaque année, ce qui équilibrerait de fait la baisse des réserves (Point 2.5 du rapport) et équilibrerait grandement la dette actuarielle  (Points 2.3 et 2.4 du rapport) qui représente le montant actualisé des prévisions de ce que le système devra versé comme pensions futures.

Le comité de gestion recommande de prévoir chaque année sur l’évaluation de la dette actuarielle un taux de charge financière (Point 2.4 du rapport) agrégeant un taux d’actualisation « légal » de 0.25 % et une prise en compte de l’inflation de l’ordre de 1,7 %. Comment peut-on prévoir une telle charge financière de 2 % sur la dette globale (de l’ordre de 4 milliards) alors que

  • Les salaires sont bloqués depuis 10 ans et donc le montant calculé des droits futurs aussi ;
  • Les pensions de retraite sont loin d’augmenter dans ces proportions : de l’ordre de 0,3 % en 2018 et 2019, 1 % pour les retraites de base inférieures à 2 000 € en 2020 et 0,4 % prévus pour 2021 ;
  • Les augmentations des retraites complémentaires ARRCO et AGIRC sont encore plus loin de ces valeurs (0,1 % prévu pour novembre) sans parler du malus de 3 années ignoré lui aussi par l’étude !

Et pompon sur la Garonne cette retraite peut mettre 2 années avant d’être versée…

La révision de ce taux financier associée à un volume d’entrées cohérent équilibre de fait l’évolution de la dette actuarielle et le système !

2. Sur les fondements du RAEP

La loi Censi a largement bénéficié aux employeurs :

  • Suppression de l’obligation de prévoyance (au titre du statut de cadres) à hauteur de 1,5% ;
  • Suppression de l’Indemnité de départ à la Retraite ;
  • Disparition de toute responsabilité de gestion des maîtres en tant que « personnels ». Cette situation a heureusement été en partie rétablie grâce aux interventions judiciaires fortes de la CGT (Nomination de représentants syndicaux, heures de délégation, financement des Comités Sociaux et Économiques).

La loi Censi a offert quelques subsides aux maîtres par le biais du RAR …

La loi Censi a aussi grandement bénéficié à l’État ! En effet le transfert du risque maladie a baissé les cotisations patronales (maladie-maternité, accident du travail) de façon conséquente.

  Cotisations patronales (Etat)
  Avant le 01/09/2005 A partir du 01/09/2005 GAIN ÉTAT
Risque maladie-maternité 12,80 % 9,70 % 3,10 %
Accident du travail 1,40 % 0,00 % 1,40 %
Assiette de cotisation Rémunération totale Traitement Minoration de l’assiette

Et c’est bien dans ce cadre-là qu’il convient d’évaluer la situation du RAR des maîtres contractuels de l’enseignement privé !

Le calcul est assez simple et sur base des chiffres (effectifs, salaires, pension moyenne …) utilisés dans le rapport il est sans appel ! Le gain annuel de l’Etat est de l’ordre de 190 millions d’euros pour une charge annuelle (pensions versées au titre du RAR) de l’ordre de 90 millions d’euros.

Et on veut nous parler de difficultés ? Cherchez l’erreur !

Au contraire, la CGT revendique de suite le passage aux 10 % prévus initialement et le rattrapage pour les retraites de la RAEP scandaleusement réduites par le décret de février 2013.

La CGT revendique un droit à la retraite dans le cadre d’un progrès social.

Ce qui importe, c’est un socle commun de garanties, auquel doit aboutir chaque régime, éventuellement par des modalités différentes adaptées aux types de carrières du secteur concerné.

Ce socle, commun à toutes et tous, repose sur des garanties essentielles :

  • Garantir la possibilité d’un départ à 60 ans ;
  • Assurer un niveau de pension d’au moins 75 % du revenu d’activité pour une carrière complète ;
  • Élever le minimum de pension au niveau du SMIC pour une carrière complète ;
  • Indexer les pensions sur l’évolution des salaires et non pas sur les prix.

Et l’on n’abordera pas ici les fins de carrière pénibles, l’égalité homme – femme, la possibilité de départs anticipés dignes …

Sources : 
Décrets 2005-1233 et 2013-145
Rapport MEN Octobre 2019 (Cabinet E&Y) Évaluation des engagements du Régime Additionnel de Retraite au 31 décembre 2018
Documentation Retraite SNEIP-CGT
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