PPCR et évaluation des enseignant·es : ne pas être dupes des nouvelles mesures…

Le gouvernement se félicite de réformer la fonction publique, de revaloriser les salaires avec le PPCR (Parcours Professionnels Carrières Rémunérations) et de moderniser l’évaluation par les inspecteurs.

Cette communication a au moins le mérite de reconnaitre implicitement que le système actuel était injuste et les salaires trop bas. Les médias ont même parlé de « rémunération au mérite » pour les enseignants, comme si « la carotte » était le fin du fin de la modernité dans la gestion du personnel.

Petit rappel

En septembre 2015, plusieurs syndicats, dont la CGT, représentant la majorité des personnels de la Fonction publique, ont rejeté ce PPCR, tout simplement parce que :

  • les revalorisations annoncées ne sont absolument pas à la hauteur du pouvoir d’achat perdu depuis des années ;
  • l’étalement de l’application du PPCR, progressivement entre 2017 et 2020, ne garantit pas qu’il soit effectivement appliqué, n’importe quel gouvernement à venir peut défaire ce projet ;
  • le troisième grade créé, dit Classe exceptionnelle, ne sera réservé qu’aux 8% de la profession qui auront participé à des missions particulières (direction…) et 2% qui pourront prétendre à des parcours exceptionnels, c’est donc la mise en place d’un grade élitiste réservé à certaines fonctions, une inégalité professionnelle supplémentaire.

A cela s’ajoute les nouvelles modalités d’inspection qui vont donner encore plus de pouvoir aux chefs d’établissements ce qui, dans l’enseignement privé, aggrave davantage l’arbitraire et le fait du prince.

Malgré l’opposition majoritaire des syndicats, le gouvernement est passé en force pour l’appliquer, alors même que les accords de Bercy de 2008 prévoient qu’un « accord n’est valide que s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés ».

Calendrier annoncé pour la mise en œuvre du PPCR

Il faut le répéter : ce calendrier prévisionnel est soumis aux aléas des changements gouvernementaux.

  • Le 1er janvier 2017, la grille sera revalorisée.
  • Le reclassement dans les nouvelles grilles est prévu au 1er septembre 2017.
  • Deux étapes de conversion d’une partie des primes (ISOE-ISAE) en salaire sont prévues en 2017 et 2018.
  • Création du 3ème grade (Classe exceptionnelle) : septembre 2017

 

Quel salaire ?

Pour obtenir votre « futur » salaire « brut » mensuel, il faut multiplier l’indice ci-dessous par  4,6860 € à compter du 1er février 2017

Un exemple des évolutions prévues par le PPCR 
Grille pour les PE, Certifiés et PLP
Ligne 2016 : les indices actuels et les durées dans les échelons avancement au choix
Ligne 2017 : les indices et durées au 1er janvier puis reclassement au 1er septembre
Lignes 2018-2019 : les indices et durées d’échelon annoncés pour les années suivantes...

** Le reclassement dans la hors-classe se fera à l’échelon inférieur (par exemple, un HC au 5ème échelon au 1er janvier 2017 sera reclassé au 4ème échelon au 1er septembre 2017. La réévaluation est donc beaucoup plus limitée qu’il n’y parait (20 points sur 4 ans dans notre exemple, soit l’équivalent de 2,9% d’augmentation)…

Effet d’annonce :

Le salaire d’entrée dans le métier (échelon 1) va gagner 34 points d’un coup ! Quelle aubaine.
Sauf que l’accès au 3ème échelon est rallongé (2 ans au lieu d’1 seul), ainsi qu’au 4ème (4 ans au lieu de 2 ans). La suite est beaucoup moins belle.
Pas grave, cela permettra au gouvernement de dire qu’il a augmenté le salaire des nouveaux enseignants de plus de 150 euros par mois…

Attention !

Une partie des primes ISOE et ISAE sera intégrée dans le salaire pour un équivalent de 9 points en deux fois : 4 points en janvier 2017 puis 5 points en janvier 2018. Ces transferts n’apparaissent pas sur les grilles de revalorisation indiciaire ! Le montant de la prime ISOE devrait rester inchangé mais se traduire par une ligne « négative » équivalente au retrait des 4 points d’indice sur le bulletin de salaire.

Bien sûr, on ne peut qu’approuver l’intégration des primes au salaire, c’est une vieille revendication que nous portons… mais là, il s’agit surtout d’un tour de passe-passe, qui permet de faire croire à une revalorisation plus forte.

Exemple - Certifié 5ème échelon : la grille laisse croire à un gain de 8 points au 1er septembre, de 445 à 453. Mais sur ces 8 points, il faut en déduire 4 d’intégration de la prime ISOE…

Sur l’évolution de carrière

Avec le PPCR, il n’y a plus d’avancement au grand choix, au choix ou à l’ancienneté, mais un avancement linéaire – équivalent pour tou·tes – qui est calé à peu près sur l’avancement intermédiaire actuel. On ne peut que se réjouir de voir cette inégalité disparaitre, mais attention, il y aura toujours des contingents pour l’avancement. On est loin de la revendication d’une même progression pour tous. Et ne nous trompons pas, ce n’est pas un cadeau, mais simplement le constat que le système actuel entrainait trop de problèmes de gestion du personnel (inspecteurs sollicités, notes contestées, sentiment d’injustice, etc.).

De plus, il ne s’agit pas d’un système égalitaire, comme le revendique la CGT, avec une seule classe fusionnant tous les indices de la Classe normale jusqu’à la Hors classe. Il s’agit de l’aggravation d’un système élitiste avec désormais trois grades : une minorité pourra accéder à la Hors classe et une minorité encore plus réduite à la Classe exceptionnelle.

En Classe normale (1er grade), le déroulement s’étalerait sur 26 ans, avec deux « accélérations » possibles (gain d’un an) entre le 6ème et le 7ème échelon, puis entre le 8ème et le 9ème échelon. Auparavant, l’avancement au grand choix s’étalait sur 20 ans, l’avancement à l’ancienneté s’étalait sur 31 ans.

Dans la Hors classe (2ème grade), le déroulement s’étalerait sur 15 ans. La possibilité d’accès à la Hors classe sera plus tardif, à partir du 9ème échelon avec deux ans d’ancienneté, contre une possibilité d’accès au 7ème échelon sans condition d’ancienneté auparavant. Chaque promotion ne concernera que 30% d’un corps.

Quant à la Classe exceptionnelle, ce 3ème grade ne sera accessible que pour 10% d’un corps :

  • 8% parmi ceux qui ont eu des responsabilités identifiées (Directeur, DDFPT, formateur…) ou exercé dans des conditions difficiles, uniquement à partir du 3ème échelon de la Hors classe ;
  • 2% au titre du « parcours professionnel », uniquement à partir du dernier échelon de la Hors classe.

Bref, il s’agit d’une nouvelle classe élitiste dont 90% d’entre nous seront exclus. Voire davantage si l’on prend en compte les spécificités de l’enseignement privé !

Sur les salaires

Pour rappel, la valeur du point a décroché de 14% depuis 2000, se traduisant par une grave perte du pouvoir d’achat. La revalorisation misérable après sept années de gel, prévue en deux fois (juillet 2016 + février 2017) ne compensera pas, et de loin, cette perte. Les nouvelles grilles ne sont pas à la hauteur non plus.

Sur l’ensemble des échelons de la Classe normale, l’augmentation pour l’ensemble de la carrière s’élèvera à +5,21%, avec une augmentation plus forte sur les 2 premiers échelons (supérieure à +10%), mais un ralentissement très net (entre +2 et +4 %) sur les échelons suivants et jusqu’à la fin. Pour exemple, avec la nouvelle grille de la Classe normale, les jeunes collègues (ceux qui seront les plus revalorisés) entreront dans la carrière avec une rémunération brute égale à 1,246 fois le SMIC actuel… contre 1,1 fois l’an dernier. Mais en 1980, un-e enseignant-e démarrait avec un peu plus de deux fois le SMIC de l’époque !

 Quelques comparaisons

Les carrières sont désormais tellement individualisées qu’il est bien difficile de faire des comparaisons types, d’autant que rien ne garantit que tout cela sera entièrement appliqué. Nos camarades de la CGT Educ’action ont testé quand même trois exemples virtuels, avec des carrières commencées à l’âge de 22 ans et s’étalant sur 40 ans.

Les oubliés du système y gagneront donc un peu, tant mieux. Mais la grande majorité des salariés de l’éducation ne verront en réalité aucune amélioration réelle.

Sur l’évaluation et les « rendez-vous carrière »

Le MEN reconnait lui-même que le système actuel d’évaluation est trop aléatoire, voire inéquitable. Il impose donc un nouveau système reposant sur un référentiel commun où seront évaluées 11 compétences communes à tous les personnels. Cette évaluation par compétences remplacerait le système des notes dans une fourchette pour chaque échelon. Mais sur ces 11 compétences… seules 4 ou 5 correspondent réellement au métier d’enseignant ou de documentaliste ! Le reste concerne l’implication dans l’établissement, les relations avec l’extérieur, etc. Bref, des critères de management à partir desquels le chef d’établissement pourra exercer une pression renforcée sur les collègues.

Quatre évaluations, nommées « rendez-vous de carrière », seront organisées pour chaque enseignant-e (dans le 1er degré, par les IEN ; dans le 2nd degré, par les IA-IPR et les chefs d’établissement) :

– 1er rendez-vous après environ 8 à 10 ans de carrière – pour l’accélération possible du 6ème au 7ème échelon ;
– 2ème rendez-vous après environ 14 à 16 ans de carrière – pour l’accélération possible du 8ème au 9ème  échelon ;
– 3ème rendez-vous après le 9ème échelon – pour l’accès éventuel à la Hors classe ;
– 4ème rendez-vous pendant la Hors classe – pour l’accès éventuel à la Classe exceptionnelle.

 

D’après le ministère, les évaluations devraient suivre le déroulement ci-dessous :

  • Annonce en juin pour l’année à venir, avec une notice explicative ;
  • Communication un mois à l’avance à l’enseignant  du rendez-vous précis ;
  • Visite d’inspection en classe suivie d’un entretien avec l’inspecteur à la date annoncée. Dans le 2nd  degré, un 2nd entretien avec le chef d’établissement a lieu au plus tard 6 semaines après l’inspection ;
  • Communication d’un compte-rendu avec une grille d’évaluation reprenant les compétences du référentiel ; documents établis par l’IEN ou par l’IA-IPR avec le chef d’établissement. Ce qui signifie que le chef d’établissement aura un pouvoir accru, puisqu’il participera à l’établissement du rapport à égalité avec l’inspecteur.
  • Formulation éventuelle d’observations écrites par l’enseignant à propos du compte-rendu et de la grille ;
  • Appréciation finale du recteur.

Il n’y aura plus de notation administrative à partir de cette année 2017…

Bien sûr, les inspections « punitives » à la demande d’un chef d’établissement pourront se rajouter à ces quatre « rendez-vous de carrière ».

Quels seront les recours et les risques pour les collègues qui ne voudront pas accepter ce système et les entretiens avec les chefs d’établissement, notamment dans le cas de conflits existants, on ne le sait pas.

Les revendications de la CGT !

Face à cette réforme qui ne règle réellement aucun problème, ni sur les inégalités de carrières, ni sur les salaires trop bas, ni sur le système d’évaluation, nous continuons à porter des revendications offensives.

Sur les salaires

Nous revendiquons une augmentation immédiate de 400 € (90 points d’indices) pour compenser en partie la perte de pouvoir d’achat subie depuis des années.

Les primes doivent être entièrement intégrées au salaire de base.

L’entrée dans le métier doit être rémunérée à hauteur de 2 fois le SMIC.

Une carrière complète doit aboutir à un doublement minimum du salaire de départ.

La valeur du point doit être indexée sur l’indice des prix.

Sur l’évolution de carrière

 Nous revendiquons une grille unique (un seul grade) avec l’intégration des indices de la Hors classe dans la grille normale et la suppression de la Classe exceptionnelle.

Le rythme d’avancement doit être le même pour tous.

Le recours aux décharges de service doit permettre aux collègues d’exercer des fonctions particulières ou de mieux travailler dans des établissements difficiles, en lieu et place du système d’indemnités octroyées actuellement.

Sur l’évaluation

 Nous revendiquons une déconnexion totale entre la rémunération et l’évaluation.

L’objectif d’une évaluation ne doit pas être une sanction (avancement moins rapide) ou une récompense (avancement plus rapide), mais bien une offre de formation ou d’évolution de carrière adaptées à la situation de chacun.

L’évaluation doit porter sur les métiers d’enseignant et de documentaliste et pas sur des critères qui relèvent du management, de la communication et de l’implication dans les projets du chef d’établissement.

Les chefs d’établissement qui relèvent d’une autorité privée, celle de l’enseignement catholique, ne doivent pas participer à l’évaluation des agents de droits publics que nous sommes.

Nous continuons à revendiquer la fonctionnarisation sur place de tous les personnels de l’enseignement privé, seule condition pour aboutir à une réelle égalité de situation avec nos collègues du  public !

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