EVARS : l’enseignement catholique confirme son virage conservateur en version imprimable
Hetzel, Portier, Retailleau, Garnier … la couleur réactionnaire de l’ancien gouvernement Barnier (pro Manif pour tous voire anti IVG) incite l’enseignement catholique à assumer officiellement et publiquement sa posture conservatrice ; le tout en se détachant des obligations qu’entraine le contrat avec l’Éducation nationale.
Depuis 2001, la loi Aubry rend obligatoire l’éducation à la sexualité en milieu scolaire. Sans programme précis, les 3h/an dédiées à ce sujet sont très rarement mises en œuvre dans les établissements. Pour y remédier, un texte cadrant l’Enseignement de la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) doit être étudié au prochain Conseil Supérieur de l’Éducation. (5/12 reporté au 12/12 voire reporté encore ?). Ce texte longtemps attendu est – en l’état – très favorablement accueilli par les professionnel·les de l’Éducation, la FCPE, les syndicats et les associations qui luttent contre les violences et discriminations.
Pourtant, le 29 novembre dans un communiqué commun avec l’APEL (unique association des parents de l’Enseignement dit Libre), le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique (SGEC) demande un remaniement des programmes en question.
On y comprend que ces textes présentés par le MEN seraient trop « idéologiques ». Interrogé dans les médias, Philippe Delorme est plus explicite : il affirme que ces programme démontrent que « la théorie du genre » existe, l’assimilant à l’identité de genre et soutenant ainsi A.Portier contre la ministre A.Genetet. Ces affirmations sont dangereuses car elles donnent caution aux infox (complotistes, antiwoke, anti LGBTI, masculiniste…) qui pullulent sur les réseaux sociaux. Elles sont de celles qui permettent aux groupuscules d’extrême droite de légitimer leurs actions parfois violentes notamment contre des écoles et des enseignant·es (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Val-de-Marne..).
Profitant de la cacophonie au sein de l’ancien gouvernement, le SGEC déclare donc clairement son intention de peser dans la rédaction des programmes ce qui constitue une entorse grave aux principes de laïcité. Plus largement, cela peut sous-entendre une nouvelle fois sa volonté d’appliquer différemment voire de ne pas appliquer du tout ces textes réglementaires. C’est pourtant une des obligations essentielle du contrat avec l’État : elle conditionne le versement des fonds publics perçus par les établissements privés sous contrat.
Ce n’est pas une première sur les questions de société. Certains établissements catholiques se sentent le droit de se soustraire à l’application de circulaires. Ainsi celle dite « Blanquer sur le questionnement de genre à l’école » du 29/09/2021 ou la campagne de vaccination contre le papillomavirus, stoppée puis partiellement reprise au gré des communiqués de l’EC. Plus généralement, au nom de l' »anthropologie chrétienne », le SGEC diffuse son interprétation contestable des questions abordées dans les établissements scolaires via des fiches repères (Laïcité, identité de genre,…) et la formation des nouveaux enseignant·es au sein des ISFEC (formation pourtant subventionnée par l’Etat). En découle, un potentiel « aménagement » des thèmes en SVT, en Histoire, en littérature… entre censure et détournement à la sauce confessionnelle.
La CGT-EP alerte depuis longtemps sur ces dérives et demande des contrôles réguliers et approfondis des formations des enseignant·es et de l’application des programmes dans les établissements confessionnels, y compris catholiques.
Affirmer que « Les familles doivent être les premiers éducateurs de leurs enfants » est incompréhensible au regard des chiffres sur les violences intrafamiliales confortés par le rapport de la CIVISE (cf encart ci-dessous). De même, comment justifier d’appliquer partiellement les programmes sur l’EVARS aux lendemains du rapport Sauvé et de ses révélations sur les agressions perpétrées par des figures du clergé dont la pédocriminalité a été couverte par le silence de l’épiscopat et de l’enseignement catholique ? Il faut aller au delà du mea culpa et engager les établissements catholiques à s’inclure dans les programmes de prévention de l’Éducation nationale..
La CGT-EP réaffirme que ce n’est ni aux parents, ni au SGEC de décider des programmes de l’Éducation nationale.
L’école doit être un espace où les jeunes de tous âges peuvent aborder librement les problématiques liées à leur santé physique et mentale, à leur corps et à la sexualité. C’est incontournable pour les protéger de toutes les formes de violence : intra-familiales, sexistes, LGBTIphobes, pédocriminelles, racistes, grossophobes, validistes…. La tolérance nécessaire à l’acceptation de soi comme de l’autre est fortement dépendante des notions de consentement, de droits fondamentaux, de libertés collectives et individuelles (y compris de conscience). Cela nécessite d’avoir des personnel·les formé·es et des programmes adaptés et clairs, co-construits avec les professionnel·les, valables pour tou·tes les jeunes qu’iels soient scolarisé·es dans l’enseignement public ou dans le privé confessionnel.
Rappelons que les chiffres des violences faites aux enfants sont effarants : chaque semaine 1 enfant meurt sous les coups de ses parents. En 2021, 13 % des femmes et 5,5 % des hommes disent avoir subi des violences sexuelles dans leur enfance. 24 % des Français de plus de 18 ans estiment avoir été victimes de maltraitances graves dans leur enfance. Par ses positionnements réactionnaires, l‘Enseignement Catholique prend le risque de ralentir voire d’annihiler l’énorme travail de prévention qui doit être fait auprès des jeunes. Il diffuse en outre des idées fausses sur les études de genre. Mais s’agiter en avançant des contre-vérités conservatrices, poussiéreuses et parfois complotistes, c’est aussi avouer sa peur de la liberté contestataire des nouvelles générations et du féminisme. Elles seraient capables de déstabiliser le sacro-saint ordre épiscopalo-patriarcal et de renvoyer les obscurantistes à leur passéisme. |
Ajoutons qu’au delà de l’influence idéologique recherchée, cette sécession sert la quête des deniers publics.
En effet, à chaque élève, les établissements reçoivent des aides financières publiques. Il s’agit donc aussi de se démarquer afin de faire pencher les familles vers un enseignement « différent » et ainsi de « remplir » les écoles privées. Peu importe au SGEC que cette concurrence soit délétère pour les conditions de travail des personnel·les et l’émancipation des élèves. Si Philippe Delorme répète qu’il ne faut pas raviver la « guerre scolaire », il s’en accommode bien quand il s’agit de prendre la liberté d’appliquer les textes selon qu’ils lui plaisent ou pas, alimentant ainsi la concurrence entre établissements au profit de l’enseignement privé.
A chaque fois qu’un gouvernement lâche du lest, le SGEC prend des libertés.
Déjà en 2013, il avait tenté d’imposer un débat sur le Mariage pour tou·tes dans les établissements catholiques. Alerté notamment par la CGT-EP, le MEN avait recadré les enjeux et fait reculer l’enseignement catholique.
En attendant la nationalisation des établissements privés, la CGT-EP demande que les pouvoirs publics (MEN et collectivités territoriales) ne leur permettent plus de s’affranchir des textes réglementaires appliqués dans l’enseignement public et au besoin suppriment les aides publiques versées aux organismes de gestion voire rompent leur contrat avec l’État.
Avec le gouvernement Barnier, le SGEC avait trouvé son meilleur allié réactionnaire,
nous espérons et militerons pour que le prochain gouvernement
cesse de cautionner ses appétits idéologiques et financiers.
Ci-dessous, les parutions, presse, tribunes qui font le débat sur l'EVARS ces derniers mois. - 9/12/2024 : Éducation à la sexualité : «Faisons grandir en unité, corps, cœur et esprit» La Croix, Tribune de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC). Proche des milieux catholiques conservateurs, elle s'est engagée contre la loi Veil autorisant l'avortement, le PACS et le mariage pour tous (Wikipedia). - 7/10/2024 : Parents d’élèves, demandez une éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle pour vos enfants Libération, Tribune du collectif « Pour une véritable éducation à la sexualité ». À lire aussi Le Livre blanc et sa synthèse - 09/2024 : Avis du CESE sur l'EVARS - Avis et sa synthèse - 2023 Une question « chaude » Histoire de l’éducation sexuelle à l’école (France, XXe-XXIe siècle) de Yves Verneuil, Ed. Peter Lang