Dans le numéro de décembre 2016 du Trait d’Union – voilà maintenant un an – les camarades du Bureau Régional Académique de Lille ont relaté la lutte des collègues de l’Institution Saint Michel de Solesmes, établissement privé catholique regroupant collège et lycée, situé dans le diocèse de Cambrai, dans le département du Nord.
A la rentrée 2013, un nouveau chef d’établissement s’installe aux commandes. Très vite, cette directrice met en place un « management » autoritaire et brutal qui engendre dans le personnel un malaise général et une profonde souffrance au travail.
D’abord sidérés, les personnels alertent les autorités diocésaines. Celles-ci non seulement font la sourde oreille mais apportent clairement leur soutien à la politique de la nouvelle direction. Devant une telle indifférence, les sections syndicales CFDT et CGT appellent en juin 2016 les personnels à se mettre en grève avec un piquet de grève devant l’établissement afin de dire non aux menaces, au harcèlement, aux pressions, aux intimidations, à la diffamation.
Mais en dépit de ce mal-être flagrant, le Directeur diocésain et l’Évêque se sont obstinés à nier la réalité et à soutenir leur protégée.
Ainsi, la politique de sape de la direction s’est poursuivie faisant disparaître de nombreuses options comme par exemple en lycée sciences et laboratoire ou arts plastiques et visuels, ce qui a entraîné la perte de la moitié de l’horaire d’une collègue d’arts plastiques, par ailleurs responsable de la section CGT. Bien sûr, cela n’est qu’un pur hasard, toute ressemblance avec de la répression syndicale est purement fortuite… !
Les arrêts maladie pour syndrome dépressif ou burn-out se sont multipliés, plus de 1135 jours depuis la rentrée 2016-2017 ! Nombreux sont les personnels à avoir contacté, selon leur statut, la médecine du rectorat ou l’inspection du travail. Pour se donner bonne conscience, la direction a fait appel aux services d’une société chargée d’enquêter sur les risques psycho-professionnels. Les résultats de l’enquête sont conformes aux souhaits de la direction : la majorité des sondés sont contents de travailler à Saint Michel…Ces résultats dignes d’une dictature ne laissent aucun doute sur les conditions de réalisation du sondage. L’ordre règne à Saint Michel !
Pourtant, un seuil dans le mal-être au travail a été franchi le 04 octobre 2017. Un membre du personnel d’entretien a tenté de mettre fin à ses jours dans l’enceinte de l’établissement.
Aussi, le 10 octobre, lors de la journée de mobilisation nationale pour la défense du service public et contre la casse du Code du travail, un rassemblement a été organisé devant la Direction diocésaine à l’appel de l’Union locale CGT de Cambrai en solidarité avec les personnels de l’Institution Saint-Michel-de-Solesmes. De nombreux camarades du SNEIP-CGT sont également venus de toute l’Académie pour soutenir leurs collègues.
Toutefois, la direction de l’établissement, ne reculant devant aucune manœuvre, avait organisé une contre manifestation avec la complicité de la CFTC et des autorités diocésaines. Parmi les soutiens (spontanés…) de la directrice, il y avait une majorité de membres du Conseil de direction et du Conseil de pastorale ainsi que les 3 membres du CHSCT, sans oublier 3 salariés du diocèse dont le Vicaire général représentant de l’Evêque. On a su depuis que les contre-grévistes ont rattrapé leurs heures de cours…Sans commentaire !
Après avoir traversé les rangs hostiles des pro-direction, essuyant insultes, crachats et bousculades, une délégation syndicale conduite par nos camarades du Bureau Régional Académique a été reçue par le Directeur diocésain chaperonné par le Vicaire général. Comme d’habitude, ils se sont obstinés dans leur soutien aveugle à la directrice de Saint Michel répondant ainsi à la souffrance la plus criante par l’indifférence et le mépris. On a vraiment le sens de l’humain dans l’Enseignement Catholique !
L’Évangile, au fond, c’est bon pour les enfants du catéchisme, mais de là à le mettre en pratique…
Le jour où dans toute la France, à l’appel de la CGT, les salariés du public et du privé manifestaient contre le Président des riches, les moutons bêlants soumis aux autorités de l’Enseignement Catholique manifestaient pour défendre une école qui devient de plus en plus l’école des riches, de l’entre-soi et de l’égoïsme social, à mille lieues de sa mission de service public qu’elle oublie trop souvent.
« Il faudra que les salariés de Saint Michel soient en capacité de créer un rapport de force leur permettant de se faire entendre de l’Enseignement Catholique » C’est ce qu’écrivaient nos camarades dans notre numéro de décembre 2016. Malheureusement, ce rapport de force n’a pu être établi malgré l’augmentation du nombre d’adhérents de la section CGT. Il faut dire que certains auraient beaucoup à perdre à manquer de « loyauté » envers la direction : chez le personnel OGEC et les ATE dont l’emploi est précarisé, chez les professeurs titulaires à qui on offre au choix ou tout à la fois, un emploi du temps sur mesure, des heures supplémentaires, les meilleures classes, des indemnités de professeur principal, un poste dans l’équipe de direction, sans oublier les fameuses indemnités pour mission particulière dont dispose à discrétion le chef d’établissement. La servilité du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène à la sécurité et aux conditions de travail (CHSCT), où la CFTC domine, lui est acquise également. La CGT dispose d’une élue au CE mais tout est fait pour l’empêcher de mener à bien sa mission (questions et courriers sans réponse, accès limité et sous surveillance au cahier de délégation unique du personnel (DUP – ou plutôt de dupes – etc…).
Le fonctionnement de cette instance est une injure constante aux règles les plus élémentaires du droit et de la démocratie. Enfin, le soutien de l’OGEC et de l’APEL à la directrice lorsqu’elle bafoue le droit est caricatural : les présidents des deux associations mettant systématiquement en cause l’exercice du droit de grève en envoyant sur les boîtes mail des parents d’élèves des messages de soutien à la direction et de dénigrement des enseignants en lutte pour la défense de leurs droits et de leur dignité. Sans doute, à la suite de Macron, la direction considère-t-elle les élus syndicaux comme des fainéants… . Il est vrai que dans l’Enseignement Catholique, on aime les enseignants serviles qui ne font surtout pas de bruit et qui ne revendiquent pas. Et puis, comme le répètent à qui veut l’entendre le Directeur diocésain et sa chère directrice, « Si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à partir ». Autrement dit, « Saint Michel, tu l’aimes ou tu le quittes ! » Cela rappelle fâcheusement un certain slogan…
Il est inquiétant de constater que l’Institution catholique cautionne les pratiques autoritaires d’une direction qui, pour se défendre, discrédite systématiquement les enseignant·es qui ont le courage de dénoncer de telles dérives.
Cette école là peut-elle encore prétendre former des citoyens ?
Mérite-t-elle la confiance et l’argent de la Nation ?
CGT Enseignement privé
Académie de Lille
Trait d'Union - Décembre 2017 Page 4