Soutien scolaire durant les vacances : stop aux pressions

 

Même message dans ces deux lettres adressées à J.-M. Blanquer par les intersyndicales Éducation de l’enseignement privé (3 avril) et de l’enseignement public (1er avril)

Monsieur Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07

Le 3 avril 2020

Monsieur le ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse,

Depuis le 16 mars, tous les établissements scolaires sont fermés. Les enseignant·es assurent une continuité pédagogique depuis cette date avec leurs classes respectives, un enseignement à distance pour lequel ils n’ont pas reçu de formation ce qui génère un surcroît de travail, maintenant le lien avec leurs élèves au cœur d’une situation inédite.

Alors que les vacances de la zone C démarrent ce samedi 4 avril, vous avez annoncé qu’un soutien scolaire serait mis en place au cours de cette période, créant ainsi une division entre deux catégories d’élèves : ceux qui ont besoin de se reposer et ceux qui ont besoin de remédiation.

Or, les élèves, les parents d’élèves et tout le personnel éducatif ont besoin de se reposer et cette coupure est nécessaire.

Les parents d’élèves souhaitent par ailleurs que cesse la pression exercée sur leurs enfants. Et les enseignant·es refusent de subir celle exercée par des chefs d’établissement qui, pour certains les poussent à poursuivre le travail durant les congés, faisant fi de leur fatigue. Le 18 mars, vous lanciez l’opération « nation apprenante ». Aujourd’hui nous ne voulons pas de « vacances apprenantes ».

De plus, il nous paraît illusoire de croire que des élèves qui ont rencontré des difficultés pour travailler pendant trois semaines vont le faire sur la période de vacances scolaires.

Il est en effet important de prendre en compte la réalité d’un confinement au sein de familles qui vivent dans la précarité, qu’elle soit matérielle, sanitaire ou numérique.

Vos différents discours ne font qu’entretenir l’idée qu’il faut acquérir de nouvelles notions et que sans ce soutien, elles seront insurmontables. Malheureusement, cela ne fait qu’accroître la tension actuelle pour de nombreux parents, parfois démunis socialement et matériellement. Car la réalité est encore plus crûe en cette période de confinement. Vous demandez aux parents de jouer un rôle qui n’est pas le leur : certains y parviennent, d’autres sont dépassés. De ces situations naissent parfois des conflits au sein des familles, accentuant des problèmes déjà existants. Les élèves se retrouvent alors au mieux au cœur de l’indifférence, au pire au cœur de violences.

Presque trois semaines après la mise en place du confinement, nous considérons qu’il est vital que chacun·e puisse se recentrer sur l’essentiel et prenne un peu de temps pour soi. Vouloir assurer à tout prix un soutien durant ces vacances, c’est aussi vouloir donner l’illusion que rien n’a changé.

Assommer les élèves de travail ne fera pas oublier la situation actuelle.

Plus que jamais, nous avons besoin de ce temps de vacances pour évacuer, oublier un peu, et pour certains faire le deuil d’un proche.

Nous vous demandons Monsieur le ministre de prendre la mesure de ce qui se joue en ce moment pour les enseignant·es, les élèves et leurs parents.

Nous vous demandons de respecter ces vacances, faisant d’elles un temps de repos mérité par tous et de veiller à ce que certains chefs d’établissement cessent de faire pression sur les enseignant·es, en particulier les enseignant·es précaires.

Nous vous prions de croire, Monsieur le ministre, en l’expression de nos salutations respectueuses

 

Monsieur Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07

Paris le 1er avril 2020

Monsieur le Ministre,

Alors que les vacances de printemps démarreront ce samedi dans la zone C, vous avez annoncé la mise en place, pendant cette période, d’un programme de soutien scolaire divisant ainsi les élèves en deux catégories, celles et ceux qui auraient besoin de se reposer et celles et ceux qui auraient besoin de remédiation.

Tous les élèves, parents d’élèves et personnels ont droit aux vacances et en ont besoin.

Les parents d’élèves demandent à ce que s’arrête la pression qui s’exerce sur eux et leurs enfants.

Continuer à marteler qu’il faut faire de la remise à niveau à distance pour certains élèves, c’est entretenir l’idée que l’objectif reste d’avancer vers l’acquisition de nouvelles notions sans qu’il n’y ait de freins importants voire insurmontables par certains.

Des élèves ont des difficultés qui ne peuvent être dépassées que par un accompagnement spécifique et en présentiel sur du long terme, d’autres n’ont pas les conditions matérielles et enfin des familles sont plongées dans les plus grandes difficultés pour soutenir leurs enfants. Certaines ne le peuvent pas par manque de connaissances, de matériel, d’espace ou de disponibilité. Ce faisant, vous demandez aux parents d’endosser un rôle qui n’est pas le leur.

Face à l’ampleur de la tâche, se développent culpabilité parentale, stress, situations conflictuelles provoquant au mieux renoncement au pire des violences verbales ou physiques. L’heure est à prendre soin de sa santé sans ajouter de la culpabilité, c’est pourquoi les exigences ministérielles doivent être réorientées.

Il faut cesser de tenir médiatiquement et dans les instructions transmises un discours de continuité pédagogique qui induit l’idée de progressions, d’assimilation de notions nouvelles.

Les inégalités existent, le confinement, hélas, n’efface pas ces réalités mais les révèle plus cruellement encore et les exacerbe. Il convient de ne pas les creuser davantage. Il s’agit avant tout de maintenir le lien avec les élèves et les familles pour les rassurer et les accompagner, dans le respect du droit à la déconnexion de tous et des statuts des personnels. Il convient aussi de faciliter pour tous la reprise quel que soit le moment où elle aura lieu.

Vouloir à tout prix enseigner de nouvelles notions durant la période de confinement va inévitablement aggraver les inégalités scolaires, entre les élèves qui auront été dans des conditions matérielles propices aux apprentissages et les autres. Dans ce sens, il ne doit pas y avoir de prise en compte d’évaluations qui auraient eu lieu pendant la période de confinement, ni au retour de celle-ci sur ce qui aurait été étudié dans cette période.

S’il est nécessaire de se poser ensemble la question de l’après, il faut cesser sur le temps présent de multiplier les messages.

Il faut au contraire avoir une parole claire et rassurante : si le lien éducatif a été maintenu avec les élèves dans la période de confinement, le fonctionnement normal de l’école s’est arrêté le 13 mars et à la reprise, tous les éléments de programme seront repris en tenant compte de ce temps suspendu : c’est cela qui constituera la continuité des apprentissages due à tous les élèves.

Il est donc nécessaire que vous affirmiez clairement aux enseignant·es comme aux familles, que les vacances scolaires doivent être un temps de repos et de coupure.

Faisons confiance aux équipes pour maintenir le lien éducatif avec leurs élèves et les familles.

C’est ce message que nos organisations portent ensemble aujourd’hui.

C’est ce message que nous vous demandons d’adresser rapidement à l’ensemble de la communauté éducative.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de nos salutations respectueuses.

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