Déclaration liminaire au CCMMEP du 5 mai 2020 en version pdf
Une bombe à retardement.
Prolongeons la métaphore guerrière d’Emmanuel Macron il y a quelques semaines.
Rassurez-vous – pour la CGT – le Covid-19 n’est pas un « ennemi » au sens historique du terme : c’est un être vivant certes, mais sans neurones et sans conscience.
Non, le danger d’explosion provient de l’usine à gaz qui est en train de se mettre en place pour les semaines à venir.
Même préparées en amont, en toute connaissance des effectifs d’enseignant·es et d’élèves, avec des locaux entièrement disponibles, les rentrées « classiques » sont anxiogènes. Et cette difficulté s’accentue au fur et à mesure de la diminution de moyens …
Avec les rentrées qui s’échelonnent à partir du 12 mai, on atteint des sommets…
Des préconisations « stabilisées » tombées 7 jours avant la reprise, des directions sous pressions, des personnels non consulté·es à qui on adresse des injonctions irréalisables. Les personnels savent que ces préconisations sont hors-sol : AESH, professeurs des écoles, personnels d’éducation ce sont eux qui travaillent au quotidien avec les élèves. Ce n’est clairement pas le cas du cabinet Véritas.
Devons-nous rappeler qu’il y a quelques mois, suite aux injonctions irréalisables et au manque de moyens, Christine Renon, directrice d’une école primaire mettait fin à ses jours ?
Car, oui, les directeurs et directrices d’école primaires sont en première ligne.
Elles et ils préparent la reprise en naviguant à vue. Il faut compter les élèves présents, compter les professeurs et salarié·es disponibles. Il faut s’inquiéter de l’application concrète de la « doctrine sanitaire ». Qui va nettoyer les tables après le déjeuner pris en classe ? Avec un nombre de points d’eau limité, comment faire passer tou·tes les élèves au lavage de main sans y passer la matinée ? Il faut inventer, c’est-à-dire bricoler à la va-vite, un emploi du temps, des solutions sanitaires provisoires avec des personnels trop peu nombreux.
Car non, il n’y a pas suffisamment d’adultes pour assurer cette reprise.
Entre travail en alternance, présentiel, distanciel, temps de récréation, de repas … les personnels enseignants et non enseignants le savent, au bout du bout, le temps de travail de chacun·e va exploser. Quelques jours suffiront à épuiser les forces y compris des plus motivées, des plus jeunes d’entre nous.
Et les enfants ? Bouger un minimum, ne pas approcher son camarades, garder son masque, aller se laver les mains à chaque éternuement, manipuler un minimum de matériel … Comment imposer, aux plus petits comme aux plus âgés, une organisation qui finalement est violente et sera perçue comme telle.
Qu’on ne nous affirme pas qu’il s’agît de réduire la fracture sociale de l’accès à l’Éducation …
Les sondages démontrent que les plus exclu·es de la « continuité pédagogique » ne sont pas ceux qui reviendront à l école. Soyons clair : la reprise des écoles n’est pas pensée pour eux mais pour permettre à leurs parents de retourner au travail.
Et on leur vend du rêve aux parents !
Les médias brossent un joli tableau. Le gouvernement y affirme que tout est sous contrôle. Les directions diocésaines s’y montrent rassurantes : les établissements sont prêts. Nous personnels de l’enseignement public ou privé sous contrat sommes contents de l’apprendre … par la presse. Parce qu’en fait, ce mardi les enseignant·es et AESH ne sont pas beaucoup plus avancé·es sur la rentrée de mardi prochain. Les cantines seront-elles ouvertes ? Qui y travaillera ? Qui va nettoyer et aménager les locaux d’ici mardi ? Les équipements sanitaires (masques, visières, blouses…) arriveront-ils à temps ?
Parce qu’au bout du bout deux dernières questions se posent :
1) Le réseau de l’enseignement catholique affirme dans sa note 23 que les établissements ouvrent : n’est-ce pas un vœu pieu sur le mode « si le public ouvre, on ouvre ! » Donc, qui contrôle concrètement la qualité d’accueil mise en œuvre ?
2) Si un élève ou un collègue tombe malade, qui va en assumer la responsabilité ? L’enseignant·e, l’AESH, la direction, l’inspecteur d’académie, le recteur, le ministre ?
Pour conclure – vous l’aurez compris – la CGT s’inquiète : le remède n’est il pas pire que le mal ?
Avez-vous vraiment évalué les conséquences de l’explosion d’une usine à gaz ?
Peut-être certain·es s’en sortiront indemnes mais les victimes collatérales (du Covid comme du surmenage) ne sont pas pertes négligeables.
Est-il judicieux de mobiliser tant d’énergie, passer tant de temps, risquer la santé des personnels et des familles pour assurer seulement quelques jours de présence à l’école ?